Lieder de Beethoven - textes en français

  NB: Si vous voulez citer ce texte, merci d'indiquer la source. Vous pouvez aussi m'écrire et je vous indiquerai les références exactes de la publication sur papier.

 

(traductions: Bernard Banoun)

A l'Espérance

op.32, première version (1805)

Christoph August Tiedge

(extrait du premier chant d'Urania)

 

Toi qui illumines les nuits sacrées,

Qui d'un doux voile recouvres le chagrin,

Tourment une âme sensible,

O Espérance! Relève celui qui souffre,

Laisse-le sentir que là-haut

Un ange compte ses larmes!

 

Lorsque les voix aimées depuis longtemps se taisent,

Lorsque sous des branchages secs

S'étiole le souvenir:

Approche-toi du lieu où pleure

Qui tu abandonnas, dont l'unique soutien,

Dans la terrible nuit, sont des urnes ensevelies.

 

Et s'il lève les yeux, accusant le Destin,

Lorsque, disant adieu, se couchent

Les derniers rayons sur ses jours:

Montre-lui, sur les bords du rêve de la terre

Les nuages ourlés de lumière,

Eclat d'un tout proche soleil!

 

Six lieder op.48

(1802)

Poèmes de Christian Fürchtegott Gellert

 

1. Imploration

Dieu, ta bonté a l'immensité

Des espaces que balaient les nuages,

Tu nous couronnes de miséricorde,

Pour nous assister tu te hâtes.

Seigneur, ma forteresse, mon rocher, mon asile,

Entends-moi supplier, écoute mes paroles,

Car je veux prier devant toi!

 

2. L'Amour du prochain

Celui qui affirme aimer Dieu

Mais n'a que haine envers ses frères,

Bafoue la vérité de Dieu,

Il la piétine et la déchire.

Dieu est amour, et il ordonne:

Aime ton prochain comme toi-même.

 

3. De la mort

Le temps de ma vie s'écoule,

D'heure en heure, je cours à la tombe.

Et qu'est-ce donc, ce qui - peut-être -

Ce qui me reste encore à vivre?

Songe, humain, songe à ta mort!

Ne tarde pas, car tout finit.

 

4. La nature célébrant la majesté divine

Les cieux glorifient la majesté de Dieu,

Ils retentissent de son nom,

La terre, les mers, le célèbrent ensemble;

Entends, humain, ce verbe divin!

Qui donc soutient les astres innombrables

Et guide le soleil hors de l'abri nocturne,

Ce soleil qui paraît, rayonne, nous sourit,

Allant sur son chemin, pareil à un héros?

 

5. Puissance et providence divines

Dieu est mon chant!

Il est Dieu de la force,

Grandes sont ses oeuvres,

Et sublime est son nom,

Il règne sur tous les cieux.

 

6. Chant de pénitence

Envers toi seul, mon Dieu, envers toi j'ai péché,

Et devant toi souvent j'ai mal agi.

Tu vois mes erreurs, présages de ma damnation,

Mais vois aussi, ô mon Dieu, ma détresse.

 

Mes soupirs, mes prières, ne te sont pas cachés,

Devant toi je répands mes larmes.

Dieu, ô mon Dieu, combien durera mon souci?

Combien de temps seras-tu loin de moi?

 

Ne considère pas seulement mes péchés,

Ne juge pas mes seules fautes.

Je te cherche, Seigneur, je cherche ton visage,

Dieu d'indulgence et de patience.

 

Autrefois tu voulus me combler de ta grâce,

Dieu, père miséricordieux.

Réjouis-toi, car tu te nommes Joie,

Tu es un Dieu dispensateur de joie.

 

Laisse-moi dans la joie marcher sur ton chemin,

Enseigne-moi tes lois sacrées,

Apprends-moi à toujours agir selon ton gré,

Tu es mon Dieu, je suis ton serviteur.

 

Seigneur, mon bouclier, viens vite m'assister,

Montre-moi une voie sans embûches.

Il entend et exauce mes supplications,

Le Seigneur prend soin de mon âme.

 

Trois chants op.83

(1810)

Poèmes de Johann Wolfgang von Goethe

 

1. Délices de la mélancolie

Ne séchez pas, non, ne séchez pas,

Larmes de l'éternel amour!

Les yeux, même à peine séchés,

Ne voient que désert, vide et mort!

Ne séchez pas, non, ne séchez pas,

Larmes de l'amour malheureux!

 

2. Désir

Qui tourmente mon coeur?

Qui m'appelle au dehors?

Me taraude, me chasse

Hors de la chambre et du foyer?

Là-bas sur les rochers

Se groupent les nuages!

Je voudrais les rejoindre,

Ah, oui, être des leurs!

 

Comme il va, comme il vient,

Le vol des corbeaux réunis;

Alors je prends mon essor

Pour me mêler à eux.

Des ailes nous allons

Par les monts et les roches.

Elle, là-bas, attend,

Et je suis aux aguets.

 

La voici, cheminant

Et moi, oiseau chanteur,

Aussitôt je m'envole

Vers la forêt touffue.

Elle attend, elle écoute,

Et sourit toute seule:

"Que son chant est aimable,

Oui, il chante pour moi!"

 

Les hauteurs sont dorées

Par l'adieu du soleil;

Et la belle, pensive,

Reste dans la forêt,

Marche près du ruisseau,

Et parcourt les prairies,

Et le chemin, tout autour d'elle,

Est envahi par les ténèbres.

 

Soudain je lui apparais,

Etoile scintillante.

"Quelle est cette lueur au ciel,

Si proche et lointaine à la fois?"

Et cette lumière apparue

Devant ton regard stupéfait,

Déjà je suis à tes pieds,

Joyeux, comblé et ravi!

 

3. Avec un ruban peint

Les jeunes dieux printaniers

D'une main badine parsèment

Petites feuilles et fleurettes

Sur mon ruban vaporeux.

 

Zephir, prends-le sur tes ailes,

Et noue-le autour de ma belle.

Et qu'ainsi, enjouée, jolie,

Dans son miroir elle se mire!

 

Aussi jeune que la rose,

Elle se voit ceinte de roses.

Un regard, ô ma vie, mon aimée!

Et je serai récompensé.

 

Sens ce coeur qui bat pour toi,

Donne-moi simplement ta main,

Puisse le lien qui nous unit

Etre plus qu'un ruban de roses!

 

A l'espérance

op. 94, seconde version, augmentée (1815)

Christoph August Tiedge

(extrait du premier chant d'Urania)

 

Existe-t-il un Dieu? Saura-t-il exaucer

Ce qu'un désir en pleurs appelle de ses voeux?

Cet être, cette énigme, se révélera-t-il

Devant quelque jugement dernier?

L'homme doit espérer, et non interroger!

 

Toi qui illumines les nuits sacrées,

Qui d'un doux voile recouvres le chagrin,

Tourment d'une âme sensible,

O Espérance! Relève celui qui souffre,

Laisse-le sentir que là-haut

Un ange compte ses larmes!

 

Lorsque les voix aimées depuis longtemps se taisent,

Lorsque sous des branchages secs

S'étiole le souvenir:

Approche-toi du lieu où pleure

Qui tu abandonnas, dont l'unique soutien,

Dans la terrible nuit, sont des urnes ensevelies.

 

Et s'il lève les yeux, accusant le Destin,

Lorsque, disant adieu, se couchent

Les derniers rayons sur ses jours:

Montre-lui, sur les bords du rêve de la terre

Illuminant la crête des nuages,

Eclat d'un tout proche soleil!

 

Description d'une jeune fille

WoO 107 (1782)

Poète inconnu

 

Veux-tu, ami, que je te décrive

Elise?

Puisse l'esprit d'Uz1 le poète

M'inspirer.

La splendeur de ses yeux,

Telle une nuit d'hiver

Scintillante d'étoiles,

Oeser2 seul saurait la peindre.

 

Soupirs d'un homme qui n'est pas aimé - Amour partagé

WoO 118 (1794 ou 1795)

    Soupirs d'un homme qui n'est pas aimé

N'as-tu pas à chaque créature

Accordé sa mesure d'amour?

Pourquoi suis-je seul oublié,

De toi aussi, mère nature?

 

Forêts et taillis, airs et mers,

Abritent-ils une créature

Qui jamais ne connaîtra l'amour?

Non! Tous, à part moi, sont aimés!

 

Dans les bosquets, les prés et les prairies,

Arbres et arbrisseaux, herbes et mousses

S'unissent dans un amour payé de retour.

Nulle fiancée ne veut de moi!

 

La plus douce des pousses jamais ne portera

Un fruit doux comme miel apaisant mon désir.

Car hélas, cet amour partagé est absent

Qu'une seule me pourrait accorder.

 

    Amour partagé

Si je savais qu'à tes yeux

Je ne suis pas détestable,

Et que tu ressens le centième

De tout l'amour que j'ai pour toi,

 

Que mon hommage rencontre

A mi-chemin ta gratitude,

Que ta bouche aime à donner

Et reprendre un doux baiser,

 

Alors, ô ciel, mon coeur

Tout hors de soi, s'embraserait!

Je ne pourrais te laisser en vain

Réclamer mon corps et ma vie!

 

Une faveur rendue attire les faveurs,

Un amour se nourrit de celui qu'il engendre

Et ce qui n'était qu'étincelle

Devient un immense brasier.

 

Chant d'offrande

WoO 126 (1798)

Friedrich von Matthison

 

Une flamme s'élève, une douce lueur

Traverse la sombre chênaie

Où flotte l'encens parfumé.

Penche vers moi une oreille clémente,

Puisse l'offrande d'un jeune homme,

Très-Haut, t'inspirer la clémence.

 

Reste à jamais bouclier de la liberté!

Insuffle ton esprit vital

A l'air, la terre, le feu et les eaux!

Au foyer de mes pères, ô Zeus,

Dans ma jeunesse et mon grand âge

Donne-moi à la fois et le Bon et le Beau

 

Le Cri de la caille

WoO 129 (avant septembre 1803)

Samuel Friedrich Sauter

 

Entends, là-bas, ce cri adorable:

Crains ton Dieu!

Crains ton Dieu!

Chante la caille à mon oreille.

Au milieu de l'herbe cachée

Elle exorte celui qui marche près des champs:

Aime Dieu!

Aime Dieu!

Ce Dieu si bon et si doux.

 

A nouveau son cri sautillant me dit:

Loue ton Dieu!

Loue ton Dieu!

Qui sait te récompenser.

Quand tu vois les champs abondants,

Sois reconnaissant, habitant du monde!

Dis merci

A ton Dieu!

Qui te nourrit et te nourrira!

 

Si dans l'orage tu crains le maître de la nature:

Prie ton Dieu!

Prie ton Dieu!

Dit-elle, pour qu'il épargne la campagne.

Si de la guerre tu redoutes les périls,

Aie confiance!

Aie confiance!

En ton Dieu qui bientôt t'assistera.

 

Lorsque la bien-aimée voulut se séparer

WoO 132 (1806)

Stephan von Breuning

 

La dernière lueur d'espérance s'éteint,

Car son esprit changeant a brisé les serments;

Pour me consoler il me faut

Oublier que je fus heureux!

 

Qu'ai-je dit?

Non, de ces chaînes qui sont miennes,

Rien, nulle volonté ni puissance ne me délivrera.

Et même, hélas! au bord du désespoir,

Ce souvenir à jamais sera doux!

 

Reviens, reviens, gracieuse espérance,

Par un seul regard ranimer ma flamme,

Si grandes soient les peines de l'amour,

Qui aime n'est jamais tout à fait malheureux!

 

Et toi qui à l'amour réponds par des offenses,

Ne crains pas la poitrine où loge ton image,

Jamais ce coeur aimant ne te pourrait haïr,

T'oublier? Non, plutôt la douleur le tuerait.

 

Huit lieder op.52

 

1. Voyage d'Urian autour du monde

(avant 1790?)

Matthias Claudius

 

Quiconque a beaucoup voyagé

A toujours de quoi raconter.

Aussi je pris canne et chapeau

Et je choisis de voyager.

Monsieur Urian, vous fîtes bien,

Continuez donc votre récit!

 

Je commençai par le pôle Nord,

C'était glacial, je vous le jure!

Et je pensai par devers moi,

Ah, que j'étais donc mieux chez moi!

 

Au Groenland ils furent bien contents

Que je visite leur contrée:

On m'offrit de l'huile de poisson,

Mais je n'y voulus point toucher.

 

Les Esquimaus sont grands et rudes,

Et qui plus est fort paresseux:

L'un d'eux, je l'appelai lourdaud,

Et j'en fus rossé promptement.

 

Me voici donc en Amérique!

Alors à moi-même je dis: Très cher,

Où est ce Passage du Nord-Ouest?

Allons, tentons de le trouver.

 

Je saute à bord, et me voici en mer,

Tenant ferme ma longue-vue,

Scrutant les flots et l'horizon,

Sans jamais trouver ce passage.

 

De là je m'en fus au Mexique,

C'est plus loin que d'aller à Brême,

J'y pensais trouver de l'or à foison

Et m'en remplir un grand sac.

 

Hélas, hélas, hélas, hélas,

A quel point on peut se tromper!

Je ne trouvai que sable et pierraille,

Et je laissai là ma musette.

 

Alors je m'achetai un en-cas,

Des sprats de Kiel et du gâteau,

Et m'assis dans la diligence

Qui me conduisit en Asie.

 

Le Mongol est un grand homme,

Plus bienveillant que tout autre,

Et fort sage: on était en train

De lui arracher une dent;

 

Hé, pensai-je, si grand soit-il,

Il n'en a pas moins mal aux dents!

A quoi sert-il d'être Mongol?

Laissons-le là avec son tourment.

 

Je jurai à l'aubergiste

De le payer très bientôt,

Et je continuai ma route

Vers la Chine et le Bengale.

 

Vers Java et vers Ottawa,

Et bien sûr aussi vers l'Afrique.

Bref, je vis à l'occasion

Foule de villes et de gens.

 

Partout, c'était comme ici,

Des hommes semblables à nous,

Avec un grain de folie

Et non moins bouffons que nous.

Oh la la, vous avez bien tort;

Taisez-vous, cher Urian, il suffit!

 

2. Couleur de feu

(1794)

Sophie Mereau

 

Il est une couleur que j'affectionne fort,

Que je place plus haut que l'argent et que l'or,

J'en pare volontiers mon front et ma toilette

Et l'ai baptisée couleur de la Vérité.

 

Elle fleurit, adorable et douce, la rose

Ecarlate et ardente, mais pour vite pâlir.

Aussi en a-t-on fait l'emblème de l'amour.

Immense est son attrait, mais bientôt il se fane.

 

La clarté bleue du ciel est superbe et clémente,

De la fidélité elle est l'image aimable.

Des nuages pourtant troublent le pur éther!

L'inquiétude souvent trouble une âme fidèle.

 

La couleur de la neige, lumière rayonnante,

Couleur de l'innocence, mais qui ne dure point.

Bientôt elle est noircie, cette robe éclatante:

L'envie, la calomnie, salissent l'innocence.

 

Pourquoi donné-je donc à cette couleur-là,

Adorable, ce nom sacré de Vérité?

Car elle est lumineuse et toujours généreuse,

Et un calme constant l'entoure et la protège.

 

Jamais les pluies ne pourront la ternir,

Ni l'ardeur du soleil consumer son éclat,

Souvent j'en pare donc mon front et ma toilette,

Et l'ai baptisée couleur de la Vérité.

 

3. Chansonnette du repos

(1793)

Hermann Wilhelm Frantz Ueltzen

 

Il ferait bon reposer dans les bras de l'amour!

Mais en vain, hélas, il me fait signe.

Près de toi, Elise, je trouverais

Sans doute le repos.

De dures lois humaines t'écartent loin de moi

Et je m'étiole dans la fleur de l'âge!

 

Il ferait bon reposer dans le sein de la terre,

Tranquillement, sans importuns.

Ici le coeur est plein de chagrin,

Rien là-bas ne lui pèsera.

Le sommeil est si doux, si calme

Qui nous conduit au paradis.

 

5. Les Adieux de Molly

(?)

Gottfried August Burger

 

Adieu, homme des délices, homme des douleurs!

Homme de l'amour, bâton de ma vie!

Dieu soit avec toi, bien-aimé! Que descende

Jusqu'à ton coeur ma voix qui te bénit!

 

A ta mémoire je dédie, non point de l'or

- Que valent l'or et autres bagatelles? -,

Mais tout ce qu'en Molly tes yeux trouvaient si beau,

Tout ce qu'en elle ton coeur trouvait aimable.

 

6. L'Amour

(vers 1790)

Gotthold Ephraim Lessing

 

Sans amour

Vive qui pourra.

Certes, il resterait humain,

Mais serait-il encore un homme?

 

Doux amour,

Adoucis ma vie!

N'apaise jamais mes désirs

En leur ôtant tout obstacle!

 

Me laisser languissant,

Tel est le devoir de ma belle!

Mais nous laisser languir à jamais,

Cela, non, elle ne le doit pas.

 

7. Marmotte

(vers 1790?)

Johann Wolfgang von Goethe

 

Je traverse bien des pays,

Avecque la marmotte,

Et toujours je trouve à manger,

Avecque la marmotte,

Avecque si, avecque la,

Avecque la marmotte.

 

8. La Fleurette Merveille

(?)

Gottfried August Bürger

 

Dans une vallée tranquille

Fleurit une fleurette.

Comme les rayons du couchant,

Plus précieuse que l'or,

La perle et le diamant.

Elle charme et réjouit les yeux et les coeurs.

Ainsi à bon droit on la nomme

La fleurette Merveille.

 

Qui dans son sein nourrit Merveille

Aura la beauté des anges.

Cela, je le vis, ému au plus profond,

Chez l'homme, chez la femme.

Vers l'homme, vers la femme, jeunes ou vieux,

Puissante comme un talisman,

Elle attire l'hommage

Des âmes les plus belles.

 

Hélas! Si tu avais connu

Celle qui fut autrefois mon joyau -

A peine passé l'autel,

La mort l'arracha à ma main -,

Alors tu pourrais comprendre

Le grand pouvoir de Merveille

Et contempler comme en plein jour

La lumière de la Vérité.

 

Six chants op. 75

(1809)

 

2. Amour nouveau, nouvelle vie

Johann Wolfgang von Goethe

 

Coeur, mon coeur, qu'est-ce à dire?

Pourquoi es-tu si oppressé?

Quelle vie étrange et nouvelle!

Je ne te reconnais plus!

Envolé, ce que tu aimais,

Et tout ce qui t'affligeais,

Partis, le zèle et le repos!

Ah, que t'est-il donc arrivé?

 

Cette jeunesse toute en fleur,

Cette adorable silhouette,

Ce regard bon et fidèle,

Ont-ils enchaîné tout ton être?

Si je me dérobe à elle

Et me ressaisis pour la fuir,

A l'instant même mon chemin

Jusqu'à elle me reconduit.

 

Et par ce fil enchanté

Qui ne peut pas se déchirer

Cette aimable et volage enfant

M'attache à elle contre mon gré.

Dans son cercle enchanté je dois

Désormais vivre à sa façon.

Ah! Si grand est ce changement!

Amour! Amour! Laisse-moi donc!

 

4. Conseils de Gretel à ses compagnes

Gerhard Anton von Halem

 

Par ses regards enamourés, par sa musique et par son chant,

Le jeune et beau Christophe me flattait.

En charme, en fraîcheur ni en grâce

Nul jouvenceau ne l'égalait.

Non, parmi tous ceux de sa troupe,

Par aucun je ne fus tant émue.

Il le vit, hélas! et ne me laissa point

Avant d'avoir tout obtenu!

 

Au village, certes, plus d'un

Etait jeune et beau garçon.

Mais pour lui seulement les filles

Avaient regards et attentions.

L'une, bientôt, sut le flatter

Et son coeur alors fut à elle.

Il devint froid, et bientôt il s'enfuit,

M'abandonnant à ma douleur.

 

Ses longs regards énamourés, sa musique, son chant,

Si doux et délicieux,

Son baiser qui pénétrait mon âme,

Jamais plus ne m'enchanteront.

Regardez-moi, ô mes amies

Pour qui brûle son coeur perfide,

Ne croyez pas tout ce qu'il dit,

Regardez-moi, pauvrette, et fuyez!

 

5. Au bien-aimé lointain

Christian Ludwig Reissig

 

Jadis un doux repos et une paix dorée

Logeaient en mon coeur;

Maintenant, hélas! il est loin. Et mes joies

Sont toutes mêlées de tristesse.

 

J'entends résonner, sourde et grave,

L'heure de la séparation;

Le soir, pour moi, le chant du rossignol

Ressemble à ton dernier adieu!

 

A la pleine lune peut-être tu te languiras

Et le souffle du zéphyr

Te chanteras cette mélodie:

"Au revoir!"

 

6. L'Homme satisfait

Christian Ludwig Reissig

 

Certes la Fortune ici-bas

Ne m'a fait ni riche ni grand,

Et pourtant je suis satisfait

Du sort qu'elle m'accorda.

 

J'eus le bonheur de trouver

Un ami comme je le souhaitais,

Car les baisers, le vin et le rire

Sont aussi son élément.

 

Avec lui, fort joyeusement,

Nous vidons plus d'une bouteille;

Car sur le chemin de la vie

La meilleure monture est le vin.

 

S'il arrive que mon sort

Ait parfois quelques revers,

Je me dis qu'en ce bas monde

Nulle rose n'est sans épine.

 

L'Homme de parole

op.99 (1816)

Friedrich August Kleinschmid

 

Tu disais, Ami, en ce lieu

Je reviendrai. Telle était ta parole.

Tu ne vins pas. Est-ce donc là un homme

Que l'on peut croire sur parole?

 

Merkenstein

op. 100/WoO 144. Seconde version (1815)

Johann Baptist Rupprecht

 

Merkenstein, ô Merkenstein,

Où que j'aille, je pense à toi!

Quand le rocher rougoie à l'aurore,

Quand dans les bois chante le merle ,

Quand les troupeaux paissent tranquilles,

Je songe à toi, ô Merkenstein!

 

Merkenstein, ô Merkenstein,

A la lourde chaleur de midi,

Je regrette ces ombrages,

Ces grottes et ces rochers

Dont je goûtais la fraîcheur,

Merkenstein, ô Merkenstein!

 

Merkenstein, ô Merkenstein,

Tu as l'éclat des Hespérides,

Flore parfume tes jardins,

Et je vois briller tes palais,

Au clair de lune familier,

Merkenstein, ô Merkenstein!

 

La Bruyante Plainte

WoO 135 (1814/15)

Johann Gottfried Herder

 

Que ta plainte est bruyante, ô tourterelle, elle prive

Le malheureux de l'oubli, du réconfort d'un doux sommeil.

Je gémis comme toi, mais j'enfouis, ô tourterelle,

Mes pleurs dans la prison d'un coeur blessé.

Hélas, que l'amour est partial, qui pour réconfort t'accorda

Cette bruyante plainte, et à moi ce chagrin condamné à se taire.

 

Pensée

WoO 136 (1808)

Friedrich von Matthison

 

Je pense à toi

Quand dans le bois

Le rossignol

Chante la nuit.

Quand penses-tu à moi?

 

Je pense à toi

Près de la source

Que le couchant

Plonge dans l'ombre.

Où penses-tu à moi?

 

Je pense à toi:

Douce torture,

Désir tremblant,

Brûlantes larmes.

Comment penses-tu à moi?

 

O, pense à moi

Car notre étoile

Nous unira!

Au loin, toujours,

Toujours je pense à toi!

 

Chant du lointain

WoO 137 (1809)

Christian Ludwig Reissig

 

Quand je ne connaissais point

Les larmes de la nostalgie,

Quand les lointains envieux

Ne me séparaient de m'amie,

En ce temps-là ma vie était

Comme une couronne fleurie,

Un bosquet plein de rossignols,

Un jeu, une danse légère!

 

Désormais cette nostalgie

M'entraîne vers les collines,

Pour rêver au loin du sourire

De celle que chérit mon coeur!

Là, mes regards languissants

Scrutent longtemps les environs;

Mais ils ne trouvent jamais

Ce qui pourrait me contenter.

 

Il bat, ce coeur, comme si

Tu étais là, à mon côté;

Viens, ô ma douce aimée,

Le voici, celui qui t'adore!

A toi je donnerai tout,

Tout ce que Dieu m'accorda,

Car jamais je ne connus

Amour si fort et si ardent.

 

Viens vite, ô mon adorée,

Pour célébrer nos épousailles;

Je cueille les roses et myrtes

Qui orneront ton pur visage.

Viens par tes charmes changer

Ma cabane en temple paisible,

En sanctuaire des délices,

Dont tu seras la déesse!

 

Le Jeune Homme en terre lointaine

WoO 138 (1809)

Christian Ludwig Reissig

 

Le printemps fait fleurir la nature endormie,

Et de riantes fleurs il parsème les prés.

Moi, j'ignore la joie des monts et des vallées,

Car mon coeur ne ressent que douleurs et angoisse.

 

Je l'ai cherchée le soir dans les bois solitaires,

Le chant du rossignol traversait le silence,

Et la lune brillait dans le toit de feuillage,

Mais là non plus jamais je ne trouvai la paix.

 

L'homme qui aime

WoO 139 (1809)

Christian Ludwig Reissig

 

Quelle merveilleuse vie,

Ce plaisir mêlé de douleur,

Mon coeur à présent palpite

D'une agitation inconnue!

Mon coeur, pourquoi bats-tu si fort?

C'en est fini de ton repos;

Parle, qu'est-il advenu?

Jamais je ne te vis ainsi.

 

L'oeillet, cette fleur des dieux,

A-t-il enflammé ton amour,

Lui qui dans le sanctuaire

De la pure innocence fleurit?

Oui, cette belle fleur céleste

Au regard enchanteur et bon

Me tient prisonnier d'un lien

Qui ne se laisse pas rompre.

 

Quand je veux fuir mon adorée,

Des larmes tremblent dans mes yeux,

Et les génies de l'amour

Ont tôt fait de me retenir.

Car ce coeur sans cesse pour elle

Bat d'une violente ardeur.

Mais hélas, elle ne sent rien

De ce coeur qui par mes yeux lui parle.

 

L'Esprit du barde

WoO 142 (1813)

Franz Rudolph Herrmann

 

Là-bas, tout en haut des rochers

A chanté l'esprit d'un vieux barde;

C'est comme une harpe éolienne,

Un chant lourd, inquiet et funèbre

Qui me déchire le coeur.

 

Ce n'est qu'un frémissement

Dans l'éclat terne de l'aube,

Et vers les claires étoiles

Son coeur s'envole et de doux rêves

Soulagent son âme affligée.

 

Le Secret

Amour et vérité

WoO 145 (1815)

Ignaz Heinrich Carl von Wessenberg

 

Où fleurit-elle, la fleurette qui jamais ne se fane?

Où brille-t-elle, cette petite étoile qui jamais ne s'éteint?

Ta bouche, ô muse! puisse ta bouche sacrée

M'enseigner et la fleur et l'étoile!

 

"Te l'apprendre, ma bouche jamais ne le pourra,

Si en toi-même tu ne les trouves pas.

Car la fleur et l'étoile reposent doucement

Au plus profond de qui fidèlement les garde!"

 

Désir

(WoO 146) (fin 1815)

Christian Ludwig Reissig

 

Une nuit sereine enveloppe

Monts et vallées de sa fraîcheur,

L'astre de l'amour scintille

Doucement sur les eaux du lac.

Ils sont muets, dans les branchages,

Les chantres de la nature;

Un silence mystérieux

Plane sur les espaces fleuris.

 

A moi seul, hélas, le sommeil

Ne veut pas clore mes yeux las:

Viens, apaise mon chagrin,

Dieu placide du repos!

Et doucement sèche mes larmes,

Laisse place à la joie suave,

Et que mon désir douloureux

Devienne un rêve délicieux.

 

Puisse ta magie évoquer

La belle qui toujours me fuit,

Je veux la presser sur mon coeur

Et qu'un noble amour nous enflamme!

O toi ma belle, mon aimée,

Pour toi je languis de désir;

Apparais, oui, apparais,

O doux sourire de l'espérance!

 

L'Appel venu de la montagne

WoO 147 (1816)

Friedrich Treitschke

 

Si j'étais un petit oiseau

Pourvu de petites ailes,

Vers toi, vers toi je volerais.

Mais puisque cela n'est pas,

Ici je resterai donc.

 

Si j'étais une petite étoile

Qui brille de mille rayons,

Ma lumière irait jusqu'à toi.

Vers moi tu lèverais les yeux

Pour un salut gracieux.

 

Si j'étais un petit ruisseau,

Un ruisseau clair et gazouillant,

Je chanterais à travers l'herbe,

Je frôlerais ton petit pied

Et lui donnerais un baiser.

 

Car il n'est pas une seule heure

Où dans les longues nuits mon coeur

Ne s'éveille pour penser à toi,

Toi qui plus de mille fois

Me fis présent de ton coeur.

 

Oui, la brise et l'oiseau,

Tout comme le ruisseau et l'étoile,

Pourront bien aller jusqu'à toi.

Moi seul je ne bouge d'ici,

Et je pleure, pleure sans cesse.

 

Chant du soir sous le firmament étoilé

WoO 150 (1820)

H. Goeble

 

Quand le soleil descend à l'horizon

Accordant au jour le repos,

Quand la lune aimable paraît,

Quand tombe lentement la nuit,

Quand scintillent les étoiles

En traçant des chemins dans les cieux,

Notre âme alors se sent immense

Et quitte la poussière d'ici-bas.

 

Elle contemple ces étoiles

Comme une terre natale,

Tous ces lointains lumineux,

Et oublie la terre frivole;

Elle veut lutter, elle aspire

A quitter sa prison d'ici-bas;

Etroite lui est la terre,

Elle veut regagner les étoiles.

 

Quand se déchaînent les tempêtes,

Le sort trompeur gratifie les méchants;

Pleine d'espoir, elle regarde au ciel

Ces étoiles où trône le juge céleste.

Nulle crainte ne la tourmente plus,

Nul pouvoir n'aura raison d'elle.

Le visage transfiguré,

Elle s'élève vers la lumière céleste.

 

Soudain un doux pressentiment

Venant de ces mondes me prend;

C'est qu'il cessera bientôt,

Mon pélerinage ici-bas.

Bientôt j'aurai touché au but,

Et je monterai jusqu'à vous.

Près du trône divin bientôt

Mes épreuves seront récompensées.

 

A un nourrisson

WoO 108 (1783)

Johann von Döring

 

Tu ne sais point encore de qui tu es l'enfant,

Qui te fit présent de ces langes,

Qui te veille, ni qui elle est,

Celle qui te réchauffe et t'abreuve.

 

Ce principe qui pieusement t'engendra,

Tu l'ignores. Avant longtemps,

Dans celle qui te soignes

Tu reconnaîtras ta mère.

 

D'une main joyeuse, levez votre verre

Chanson à boire, quand vient le moment de se séparer

WoO 109 (1791 ou 1792)

Poète inconnu

 

D'une main joyeuse, levez votre verre,

Buvez, que se réjouisse votre coeur!

Puisque ceux que liait l'amitié

Le sort maintenant les sépare,

Apaisez, mes frères, la tristesse,

Ne blessez pas le coeur de l'ami.

Buvez, buvez, levez haut votre verre,

Levez-le, mes frères, et chantez,

Sage coutume entre fidèles amis,

Chantez votre chanson allègre.

Le destin nous sépare, mais rien

Ne brise l'amitié entre des coeurs fidèles.

 

Elégie sur la mort d'un barbet

WoO 110 (?)

Poète inconnu

 

Tu es mort, oui! Elles fanent, nombreuses,

Les joies semées sur le chemin de notre vie.

Souvent, déjà dans la chaleur de midi

La mort commence à les faucher.

 

Pour toi aussi, ma joie, coulent mes larmes

Telles qu'un ami rarement en verse pour un autre;

Cette douleur, mes yeux l'éprouvent sans honte,

Pour toi, créature créée pour ma joie!

 

Pourtant ta mort ne doit trop m'affliger:

N'étais-tu pas enclin au rire?

Rien de ce que nous aimons n'est à nous,

Ici-bas le bonheur est tôt suivi de larmes.

 

Non, mon coeur au destin ne fera point querelle

Pour cette joie qu'il ne connaîtra plus;

Toi, tu demeureras vivant dans mes pensées,

M'évoqueras toujours de joyeux souvenirs.

 

Chanson du punch

WoO 111 (1791 ou 1792)

Poète inconnu

 

De mains en mains, le punch passe,

Tout chaud, d'un ami à l'autre.

Qui n'en est pas gris ni joyeux

Doit s'esquiver aussitôt!

Car tous nous boirons sans relâche,

Tant qu'il restera du breuvage!

 

A Laura

WoO 112 (1792)

Friedrich von Matthison

 

Puisse la joie fleurir tous tes chemins,

Une joie belle comme pure innocence!

Puisse la paix de l'âme, bénédiction du ciel

Et brise printanière, t'accompagner toujours,

Puis nous nous reverrons, en habits de lumière!

 

Souriant et léger viendra le séraphin,

Portant la palme de la divine justice,

Et hors de cette vallée obscure

Vers le ciel élèvera ton âme,

Là où le juge pèse nos actes.

 

Puisse alors la balance suprême

T'octroyer un bonheur sans mélange,

Puisse l'ami, sur le bord de ta tombe

S'écrier: Le dernier de tes jours,

Bienheureuse, fut un soleil couchant de mai!

 

Plainte

WoO 113 (1790)

Ludwig Hölty

 

Dans la forêt verte et fraîche de chênes

Tu répandais sur moi tes rayons argentés,

O lune, tu accordais un calme souriant

A l'enfant joyeux que j'étais.

 

Désormais ta lumière tombe par la fenêtre,

Sur le jeune homme que je suis,

Elle ne donne plus ni calme ni sourire

A mes yeux pleins de larmes et à mes pâles joues.

 

Bientôt, amie, bientôt ton éclat argenté

Luira, hélas, sur l'urne funéraire

Où mes cendres seront,

Celles du jeune homme que je fus.

 

Un soliloque

WoO 114 (1793)

Johann Wilhelm Ludwig Gleim

 

Moi, esprit insouciant, je fus

Toujours ennemi de l'amour,

Je le resterais volontiers,

Mais ah! Je crois être amoureux!

 

Moi qui sinon dénigrais le mariage

Et me riais toujours de l'amour,

Moi qui m'exerce à l'inconstance,

Voici, je crois, que j'aime Doris.

 

Oui, hélas, depuis que je l'aie vue,

Nulle autre belle ne me plaît.

La souveraine de mes sens,

Oui, je crois bien que je l'aime.

 

A Minna

WoO 115 (1792)

Poète inconnu

 

Près de toi seule, contre ton coeur,

J'oublie souci, chagrins et douleurs,

Et le pourvoyeur de nos peines,

L'amour, nous procure des joies

Que jamais un dieu ne pourrait

A moi seul, à toi seule donner.

Mais à nous deux l'amour les donne,

Nous qui sommes mari et femme.

 

L'Homme libre

WoO 117 (1794 ou 1795)

Gottlieb Conrad Pfeffel

 

Qu'est-ce donc qu'un homme libre?

Celui qui obéit aux lois

De sa volonté seule

Et de nul tyran capricieux:

Celui-là est un homme libre!

 

Qu'est-ce donc qu'un homme libre?

Celui qui honore la loi

Et qui jamais n'agit contre elle

Ni au-delà de ce qu'il peut:

Celui-là est un homme libre!

 

Qu'est-ce donc qu'un homme libre?

Celui qui, s'il doit donner

Biens et vie pour sa liberté,

N'aura pourtant rien perdu:

Celui-là est un homme libre!

 

On cherche à cacher la flamme

WoO 120 (1800 ou 1801)

Poète inconnu

 

On cherche à cacher la flamme

Qui se faufile doucement

Au coeur d'une âme noble et sensible;

On reste secrète et muette

Mais bientôt les regards trahissent

A quel point l'on est éprise.

 

Un regard dit bien plus que des mots,

Souvent il laisse s'évader

Une passion longtemps cachée,

Il dévoile à celui que j'aime

L'élan doux et pur de mon coeur

Et l'encourage à persister.

 

Chant d'adieu aux citoyens de Vienne

WoO 121 (1796)

Josef Friedelberg

 

Que ne retentisse nulle plainte

Quand le drapeau quitte la ville,

Qu'aucun oeil ne verse de larmes

A le voir partir loin d'ici.

Tous les visages s'embrasent,

Car ils sont fiers de cet emblème,

Les dignes citoyens de Vienne.

 

Les méchants sont pleins de hardiesse

Pour défier les gouffres grondants.

Mais honorer l'humanité, unir courage

Et clémence, cela, ils ne le pourraient pas.

Ne jamais flétrir la vertu,

Fraternellement aimer son peuple,

C'est le devoir des héros allemands!

 

Lorsque nous vous reviendrons,

Nous serons meilleurs qu'en partant,

Nous serons de meilleurs citoyens,

Et non des meurtriers barbares.

Vienne nous accueillera,

Loyaux et couronnés de gloire:

Allez! Laissez flotter notre drapeau!

 

Chant martial des Autrichiens

WoO 122 (1797)

Josef Friedelberg

 

Ni pour la gloire, ni pour la solde,

Mais pour la paix nous bataillons!

Nous revenons, sans or étranger

Vers le doux bonheur du foyer.

Car dans les coteaux, les bois, les prés

La nature plutôt récompensera

Les meilleurs d'entre les citoyens.

Oui, notre guerre est juste,

Oui, la victoire sera nôtre!

 

Armés de piques, projectiles et faux,

Tous, grands et petits, se pressent!

Secourons la patrie! Entonnez, oui,

Entonnez le vaillant cri de guerre!

Nous défendons de pied ferme

La maison, la patrie et la terre!

Si nombreux soient les ennemis,

Nous nous battrons vaillamment

Avec les armes à la main!

 

Amour nouveau, nouvelle vie

WoO 127, première version (1798/99)

Johann Wolfgang von Goethe

 

Coeur, mon coeur, qu'est-ce à dire?

Pourquoi es-tu si oppressé?

Quelle vie étrange et nouvelle!

Je ne te reconnais plus!

Envolé, ce que tu aimais,

Et tout ce qui t'affligeais,

Partis, l'ardeur et le repos!

Ah, que t'est-il donc arrivé?

 

Cette jeunesse toute en fleur,

Cette adorable silhouette,

Ce regard bon et fidèle,

Ont-ils enchaîné tout ton être?

Si je me dérobe à elle

Et me ressaisis pour la fuir,

A l'instant même mon chemin

Jusqu'à elle me reconduit.

 

Et par ce fil enchanté

Qui ne peut pas se déchirer

Cette aimable et volage enfant

M'attache à elle contre mon gré.

Dans son cercle enchanté je dois

Désormais vivre à sa façon.

Ah! Si grand est ce changement!

Amour! Amour! Laisse-moi donc!

 

Souviens-toi de moi!

WoO 130 (1820)

Poète inconnu

 

Souviens-toi de moi! Je pense à toi!

Ah! Seule l'espérance adoucit

Les douleurs de l'éloignement.

 

A la bien-aimée

WoO 140, version ? (1811)

Joseph Ludwig Stoll

 

Laisse-moi de ton oeil tranquille

Et tout illuminé d'amour

Dérober sur ta joue ces larmes

Avant que la terre ne les boive!

 

Hésitantes, brûlantes, elles coulent,

Toutes vouées à la fidélité!

Puisque mon baiser les reçoit,

Ta souffrance aussi est à moi!

 

Le Chant du rossignol

WoO 141 (1813)

Johann Gottfried Herder

 

Entends le rossignol qui chante: le printemps est revenu!

D'adorables recoins il orne les jardins,

De l'éclat argenté des amandiers en fleurs.

Cueille l'heure: il fuira, le printemps tout en fleurs.

 

Jardins et prés se parent pour la fête joyeuse;

Sous les arbres en fleurs naissent des amitiés.

Qui sait s'il vivra tout le temps de ces fleurs?

Cueille l'heure: il fuira, le printemps tout en fleurs.

 

Les Adieux du guerrier

WoO 143 (1814)

Christian Ludwig Reissig

 

L'amour m'enflamme et je pars au combat,

Pourtant je m'en vais sans pleurer;

Mon bras est à la patrie,

Mon coeur à ma bien-aimée.

Car le héros véritable

Doit brûler pour une belle

Mais il doit pouvoir aussi

Tomber au champ pour la patrie!

 

Si au combat je songe à ma belle

Restée là-bas en mon pays,

Je veux voir qui osera

Se mesurer à mon bras.

Car en récompense ma belle

Couronnera ma victoire!

Mon bras est à la patrie,

Mon coeur à ma bien aimée!

 

Merkenstein

WoO 144. Première version (1814)

Johann Baptist Rupprecht

 

Merkenstein, ô Merkenstein,

Où que j'aille, je pense à toi!

Quand le rocher rougoie à l'aurore,

Quand dans les bois chante le merle ,

Quand les troupeaux paissent tranquilles,

Je songe à toi, ô Merkenstein!

 

Merkenstein, ô Merkenstein,

A la lourde chaleur de midi,

Je regrette ces ombrages,

Ces grottes et ces rochers,

Pour en goûter la fraîcheur,

Merkenstein, ô Merkenstein!

 

Merkenstein, ô Merkenstein,

Tu as l'éclat des Hespérides,

Flore parfume tes jardins,

Et je vois briller tes palais,

Au clair de lune familier,

Merkenstein, ô Merkenstein!

 

Merkenstein, ô Merkenstein,

Je te consacre mes nuits.

A jamais j'y voudrais rêver

Et sous les arbres amis

Goûter ton paisible asile.

Merkenstein, ô Merkenstein!

 

Merkenstein, ô Merkenstein,

Le matin me réveillera.

Depuis tes hauteurs médiévales

Guettons les images anciennes:

Si grandes, et nous, si petits,

Merkenstein, ô Merkenstein!

 

Merkenstein, ô Merkenstein,

Séjour amène empli de grâce!

La nature qui toujours renaît

Dans tes ruines m'est apparue;

A elle seule je me vouerai,

Merkenstein, ô Merkenstein!

 

D'une manière ou d'une autre

WoO 148 (1816/17)

Karl Lappe

 

Nord ou sud? Pourvu que dans mon sein enflammé

Luise le sanctuaire de la beauté et des muses,

Un ciel habité par les dieux!

Seule la pauvreté d'esprit est vaincue par l'hiver,

La force ajoute à la force, et l'éclat à l'éclat.

Nord ou sud?

Qu'importe, si mon âme est ardente!

 

Pauvre ou riche? Pêches ou prunes?

L'arbre de la vie diversement nous contente.

A toi revient la branche, à moi une brindille.

Mais je suis satisfait de ce frugal repas.

Car le plaisir qu'on prend fait la valeur des choses.

Pauvre ou riche?

Le bonheur rend les hommes égaux.

 

Sommeil ou trépas? Vous semblez être frères!

Le jour finit, vous fermez nos paupières.

O rêve, félicité et détresse sur terre!

Brève journée! Vie qui passe si vite!

Si belles, mais pourquoi si fugaces?

Sommeil ou trépas?

Voici l'aurore rayonnante!

 

 

1 Johann Peter Uz (1720-1796), poète anacréontique.

2 Adam Friedrich Oeser (1717-1799), peintre et sculpteur.