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Mario Wirz, Poèmes
Décembre 2010, poèmes du recueil récent (automne 2010) Vorübergehend unsterblich, Aufbau
Mario Wirz
Temporairement immortel
Berlin, Aufbau, 2010
Marcheur
Il veut
prendre racine
le cœur nomade
dans cette terre
il se rêve
chez soi
tandis qu’il
poursuit
sa marche
*
Rentrer
Rentrer
avec les nuages
pour un sommeil
arriver
partout
*
Cap sur aucun port
Fugace
depuis le début
je change noms
et lieux
j’oublie le but
parfois
peut-être
dans un bateau
avec toi
*
Cadeaux
Mon nuage
celui que j’ai pêché
dans une heure bleue
un jour
au ciel
revient
l’étoile
que tu m’as offerte
dans une lointaine nuit
nuage et étoile
voyagent
ensemble
*
Ombres
Des rêves il reste
une ombre
elle nous suit
fidèle
jusqu’à la mort de chaque espoir
nous retournons-nous
il fait nuit
il fait matin
oublié
qui nous sommes ou fûmes
une ombre suit
l’ombre
un rêve
*
Dans mon élément
Dans le sommeil de la terre
le feu rêve
de l’eau
je sais
depuis toujours
silhouette dans l’air
je disparais
je reparais
autre
*
Cicatrices
De sommeil en sommeil
j’emporte
ceux que j’ai été
dans le rêve
d’une seconde
ma mémoire reste
éclat coupant
temps et espace
blessé
le dormeur
plus tard
dans un autre décor
étonné
par des cicatrices
*
Aïeux
Nos aïeux nous suivent
dans le présent
sourds au bruit
des nouveaux chamans
ils entendent les dieux anciens
et les esprits
prédire notre avenir
comme si
depuis le commencement
ce n’était pas toujours
le maintenant
annonçant
avec fracas
notre passé
Nos aïeux se taisent
Dans leur savoir
De celui
qui nous console
*
Funambule
Pour Philippe Petit
Pour cette heure
je m’inscris
dans l’air
sûr
que Dieu aussi
lit mon poème
je danse
avec la mort
bien au-dessus de la terre
s’il m’échoit
dans cette heure
je suis immortel
*
Prêt
Je ne crains
pas de tomber
en chute libre
me poussent
les ailes de l’aigle
pour un sommeil
j’échappe
*
Espoir
Caduc
j’ose
l’ascension
vers le sommet
sur mon chemin
de descente
je fais
demi-tour
*
Vol d’une hirondelle
Une hirondelle
qui vole contre notre fenêtre
gît toute une après-midi
morte dans le jardin
avant de revenir
à la vie
inquiète
ses ailes tremblent
et l’emportent vers le soir
alliée du vent
l’hirondelle semble
étonnée
là au-dessus de nous
elle en est quitte pour
une frayeur
*
Depuis des millénaires
La mouette crie
à en fatiguer
la mer
les noyés rêvent
depuis des millénaires
le chant
au-dessus de la mer
*
Double vie
Les bateaux amarrés au quai
s’arrachent aux grelins
pour aller de nuit en mer
attraper
des rêves
pour le sommeil des pêcheurs
*
Si bleu
Une cabane au bord du lac
tordue par le vent
mon image d’un chez-moi
le ponton semble instable
aussi bleu
que le bateau
que j’amarre à l’avenir
Maintenant
je cherche des yeux
Enfance
Chaque étoile filante
sait quel est mon vœu
*
Instant
« Ancien chantier naval Gager »
Pour André
Sur le ponton
sous la pluie
toi
sous le
parapluie coloré
un homme heureux
*
Nostalgie
La mer
d’où nous venions
toujours derrière nous
toujours devant nous
nous déambulons
dans des peaux vulnérables
essayons des biographies
tandis que les années
nous submergent
de nostalgie
nous sommes tout proches
de la mer
en nous
*
Retour
La lune
m’éclaire
sur ma route
un jour
j’arriverai
la nuit
dormant
à la maison
*
Premier amour
Cabrioles
que je faisais devant
ta fenêtre
après quarante ans
elles
dépassent encore
de loin
au-delà des jours de sagesse
j’en vois
de toutes les couleurs
*
Joie
Même les jours sombres
avec les ans
se sont éclaircis
de notre côté
dans notre histoire
nous sommes émerveillés
par deux
face à ce matin
*
Miel
Je ne m’attarderai pas
avec ma peau fine
dans cet hiver
le vieil ours m’invite
dans sa tanière
blotti dans son pelage
j’oublie le froid
dans le long hibernage
nous trouvons du miel
*
Danse
Un nuage
entre jour et nuit
il pleut
des années plus tard
une après-midi
je me rappelle
ce que
j’ai oublié
sous l’eau
danse
sans moi
mon parapluie
*
Régime
Pour mon médecin, Thomas Wünsche
Sur des feuilles de salade j’écris
des lettres d’amour
à des pommes et des poires
à tout
ce qui est sain
Mes vers
ne me réussisent pas
quand je songe à
des gâteaux à la crème
sous des nuages de gin-tonic
arrosé de champagne
poussent en abondance
des champs de pasta pizza praliné
Dans des rêves arides
je mâche
et rumine
de l’herbe
avec des vaches sobres
jour après jour
de l’herbe
*
Avis de disparition
En une nuit je suis
devenu un autre
Étranger
je traverse
mes jours
cherchant
celui que j’ai été
*
Parti sans laisser d’adresse
Je veux demander à mes amis
si l’un d’eux sait
ce que je suis devenu
mais mes amis semblent
avoir déménagé
Leurs maisons sont maintenant
habitées par des hommes âgés
Autres poèmes de Mario Wirz traduits en plusieurs langues sur le site https://lyrikline.org
accès direct: https://lyrikline.org/index.php?id=60&L=2&author=mw00&cHash=6116caa823
Mario Wirz
Tempête avant le calme
Certitude
Il ne s’entend pas encore
le chant
en lequel je me
transforme
chaque jour
plus léger
je monte
vers mon étoile
*
Un château de vent
Me voici privé du secret
de la grenouille
en vain je lance le prince
contre les murs de vent
ici-haut
tout pèse trop peu
les souhaits exaucés
ornent le vide
même la pie
ne se laisse pas berner
un soupçon de dialectique
et le conte serait
supportable
amer
sur mon
trône de nuages
j’attends l’orage
*
Icare
Les ailes
qui m’ont poussé
dans le sommeil d’enfant
je les déploie
dans la lumière
d’un matin nouveau
je rêve l’envol
tendu et tremblant
et j’hésite
Un instant
je semble
impavide
pouvoir
surmonter
tout
avant que tombent
les ailes
dans un bruit de douleur
et que moi
à quatre pattes
je m’en retourne
vers les
jours connus
*
Vie de campagne
1
Je n’ai pas le droit d’oublier
cette poule
assassinée
pour les
sept ans
de mon ami
Nous restons silencieux
quand son père
à la hache
décapite
notre Linda
Souillés
tous les bons vœux
Une fontaine rouge
jaillit
sur les traîtres
Jamais ne tarira
la source
de leur faute
Sans tête
elle vole encore
cette heure
à travers les décennies
Elle répand
sur ces jours de raison
le sang rouge
de mon enfance
*
Vie de campagne
6
J’aimerais m’écarter
du
chemin de la vertu
Par où
va-t-on à
l’interdit
Pas de beau
péché
pour me montrer
la voie
*
Vie de campagne
7
Dans ce désert
même les montres
s’emballent
Qui ne
tue pas
le temps
fonce vite
contre
le premier
arbre
*
Vie de campagne
8
Derrière
de pâles voilages
nous
guettons
du nouveau
Au besoin
nous nous contentons
de
réchauffé
Vie de campagne
9
C’est parce qu’il la trompait
C’est parce qu’il la battait
Elle s’est jetée
sous un train
C’est à cause des dettes
C’est à cause d’un mal incurable
Qu’il s’est pendu
au grenier
Mais celui-là est mort
très soudainement
On a dû l’y aider un peu
Nous savons
Ici il n’y a que les importuns
pour mourir
de mort naturelle
*
Vie de campagne
13
Pas un papillon
ne s’est laissé
attraper
Seul un rayon de soleil
s’est emmêlé
un instant
dans mon filet
*
Vie de campagne
17
Dans la neige de cette heure
les années s’ensevelissent
sans bruit
ma vie est emportée
par-dessus
la frontière blanche
s’en va
l’enfant endormi
il fait du traîneau
avec moi en rêve
et il est là-bas
pour toujours
roi des neiges
de cette heure
*
Voyage dans le temps
1
Celui que j’ai été
en un autre siècle
m’appelle
cette nuit
à voix basse
vers ce pays
que j’ai oublié
Somnambule
dans le brouillard du temps
je parcours
le long chemin
du retour
*
Voisins
35
Je suis ta rose
sans épines
depuis longtemps
je me
dessèche
belle
encore
dans ton souvenir
je reste
rose
*
Voisins
36
Silence
je serai
sommeil
sans souffle
dans le rêve de personne
je m’éveillerai
Mais aujourd’hui
tout le jour
je chanterai
*
Le dernier mot
Les nuages au-dessus des mots
s’enfuient
Le vent se tourne
d’un autre côté
Ni les jours
ni les nuits
ne se décrivent
Dans la tempête
avant le calme
le dernier mot
reste
inouï
Mario Wirz, Sturm vor der Stille, © Aufbau Verlag Berlin 2006,
© Bernard Banoun pour la traduction française.
Né en 1956 à Marburg (R.F.A.), Mario Wirz a été comédien, dramaturge et metteur en scène. Il vit depuis 1988 à Berlin.
Outre plusieurs recueils poétiques, il a publié notamment les récits Es ist spät, ich kann nicht atmen (‘Il est tard, je ne peux pas respirer’, 1992), Biographie eines lebendigen Tages (‘Biographie d’un jour vivant’, 1994) et le volume de nouvelles Umarmungen am Ende der Nacht (1999), paru en français sous le titre Étreintes au bout de la nuit, traduit par Bernard Banoun, Paris, Jacqueline Chambon, 2002.
Provisoirement immortel, Berlin, Aufbau, 2010
Marcheur
Il veut
prendre racine
le cœur nomade
dans cette terre
il se rêve
chez soi
tandis qu’il
poursuit
sa marche
*
Vers chez- soi
Avec les nuages
vers chez soi
pour un sommeil
arrivée
partout
*
Cap sur aucun port
Fugace
depuis le début
je change noms
et lieux
j’oublie le but
parfois
peut-être
dans un bateau
avec toi
*
Cadeaux
Mon nuage
celui que j’ai pêché
dans une heure bleue
un jour
au ciel je le
rends
vois l’étoile
que tu m’as offerte
dans une lointaine nuit nuage et étoile
voyagent
ensemble
*
Ombres
Des rêves il reste
une ombre
elle nous suit
fidèle
jusqu’à la mort de chaque espoir
nous retournons-nous
il fait nuit
il fait matin
oublié
qui nous sommes ou fûmes
une ombre suit
l’ombre
un rêve
*
Dans mon élément
Dans le sommeil de la terre
le feu rêve
de l’eau
je sais
depuis toujours
vue aérienne
je disparais
je reparais
autre
*
Cicatrices
De sommeil en sommeil
j’emporte
ceux que j’ai été
dans le rêve
d’une seconde
ma mémoire reste
temps et espace
éclat coupant
blesse
le dormeur
qu’étonnent plus tard
dans un autre décor
des cicatrices
*
Aïeux
Nos aïeux nous suivent
dans le présent
sourds au bruit
des nouveaux chamans
ils entendent les anciens dieux et esprits
prédire notre avenir
comme si depuis le commencement
ce n’était pas toujours
le maintenant
avec éclair et tonnerre
annonçant
notre passé
Nos aïeux se taisent
et savent
celui
qui nous console
*
Funambule
Pour Philippe Petit
Pour cette heure
je m’inscris
dans l’air
sûr
que Dieu aussi
lit mon poème
je danse
avec la mort
bien au-dessus de la terre
s’il m’échoit
dans cette heure
je suis immortel
*
Prêt
Je ne crains
pas de tomber
en chute libre
me poussent
les ailes de l’aigle
pour un sommeil
j’échappe
*
Espoir
Caduc
j’ose
l’ascension
vers le sommet
sur mon chemin
vers le bas
je fais
demi-tour
*
Vol d’hirondelle
Une hirondelle
qui vole contre ma fenêtre
gît toute une après-midi
morte dans le jardin
avant de revenir
à la vie
craintive
ses ailes tremblent
qui l’emportent vers le soir
alliée du vent
l’hirondelle semble
étonnée
là au-dessus de nous
elle en est quitte pour
une frayeur
*
Depuis des millénaires
La mouette crie
à en fatiguer
la mer
les noyés rêvent
depuis des millénaires
le chant
au-dessus de la mer
*
Double vie
Les bateaux amarrés au quai
s’arrachent aux grelins
pour aller de nuit en mer
pour le sommeil des pêcheurs
attraper
des rêves
*
Si bleu
Une cabane en bord de mer
tordue par le vent
mon image d’un chez-moi
le ponton semble instable
aussi bleu
que le bateau
que j’amarre à l’avenir
Maintenant
Je cherche des yeux
Enfance
Chaque étoile filante
sait quel est mon vœu
*
Instant
« Ancien chantier naval Gager »
Pour André
Toi sur le ponton
sous la pluie
sous le
parapluie coloré
coiffé
*
Nostalgie
La mer
d’où nous venions
toujours derrière nous
toujours devant nous
nous déambulons
dans des peaux vulnérables
essayons des biographies
tandis que les années
nous submergent
de nostalgie
nous sommes tout proches
de la mer
en nous
*
Retour
La lune
m’éclaire
sur ma route
un jour
j’arriverai
la nuit
dormant
à la maison
*
Premier amour
Pirouettes poiriers
que je faisais devant
ta fenêtre
après quarante ans
ils
poussent encore
plus loin
que tous les jours raisonnables
fleurit pour moi
mon miracle bleu
*
Joie
Même les jours sombres
se sont avec les ans
éclaircis
de notre côté
dans notre histoire
nous bouches bées
à deux
face à ce matin
*
Miel
Je ne m’attarderai pas
avec ma peau fine
dans cet hiver
le vieil ours m’invite
dans sa tanière
blotti dans son pelage
j’oublie le froid
dans le long hibernage
nous trouvons du miel
*
Danse
Un nuage
entre jour et nuit
il pleut
des années plus tard
une après-midi
je me rappelle
ce que
j’ai oublié
sous l’eau
danse
sans moi
mon parapluie
*
Régime
Pour mon médecin, Thomas Wünsche
Sur des feuilles de salade j’écris
des lettres d’amour
à des pommes et des poires
à tout
ce qui est sain
Je ne me poétise pas
sur une branche verte
quand je songe à
des gâteaux à la crème
sous des nuages de gin-tonic
sous une pluie de champagne
poussent en abondance
des champs de bonbons pâtes pizza
Dans des rêves arides
je remâche
et rumine
de l’herbe
avec des vaches béates
jour après jour
de l’herbe
*
Avis de disparition
En une nuit je suis
devenu un autre
Étranger
je passe
à travers mes jours
cherchant
celui que j’ai été
*
Parti sans laisser d’adresse
Je veux demander à mes amis
si l’un d’eux sait
ce que je suis devenu
mais mes amis semblent
voir déménagé
Leurs maisons sont maintenant
habitées par des hommes âgés